EDICOM ETE 2000 :
L'écorché vif
Il y aurait quelque chose de rassurant à ce que la francophonie accueille
chaleureusement Jours étranges, le premier album de Saez. Il est certes
encore trop tôt pour affirmer que ce jeune homme d'une vingtaine d'années,
originaire des environs de Dijon, est un génie façon Miossec ou
Jean-Louis Murat. Souvent, en effet, cette collection de douze chansons pèche
par l'extrême naïveté de ses mots. Néanmoins, Saez
est un authentique rebelle, et la manière dont il pose sa voix fiévreuse
sur des murs de guitares est absolument émouvante. Visiblement marqué
par les complaintes épileptiques de Noir Désir, il râle
sur son époque et sur les guerres, comme d'autres sur les barricades
bombent le torse sous la mitraille. A la façon dont son orchestre frôle
la surdose d'électricité sur Jeune et con ou Sauvez cette Etoile,
hymnes adolescents remarquables, ce rocker aux faux airs de Johnny Depp est
intimement persuadé que la musique peut encore changer le monde. C'est
cependant lorsqu'il ralentit le tempo comme pour mieux l'étouffer dans
un étonnant canevas organique, Jours étranges, J'veux m'en aller,
Hallelujah, Montée là-haut, que Saez est véritablement
convaincant. Dans ces moments-là, le garçon chante avec une sincérité
rare qui lui permet de sortir grandi d'une reprise déchirante du classique
My Funny Valentine. Si le jury des Victoires de la Musique a encore quelque
oreille, il n'oubliera pas cet écorché-là.