SAEZ PAR JEAN-PAUL GERMONVILLE (ROCKSOUND) :
Son arrivée sous les projecteurs
ressemble à une marche triomphale. Micro en main, Saez s'avance en étirant
une litanie à capella. Des cris partent d'un chapiteau surchauffé
dès les trois coups. Sans tarder un rock solide, sans concession jusque
dans ses subtils raffinements, s'installe au coeur de Nancy Jazz Pulsations.
Le claquement de la guitare fait mal, un véritable coup de semonce qui
se pose sur cette nuit saturée. A genoux au centre de la scène,
le corp plié en avant, le chanteur va chercher au plus profond de lui
des cris d'une interminable colère. Tracé au feutre d'une écriture
nerveuse, il y a sur le dos de son t.shirt trop grand, le titre à scandale
de Virginie Despentes ["Baise-moi"]. La provocation fait partie, elle-aussi,
de l'histoire de Saez. Une façon de briser les lieux communs qui freinent
notre marche en avant. Le climat de ce prélude hésite entre un
blues rugueux et la furia déjà. Très vite, le mouvement
s'accélère, les accords percutent la peau. Les murs de guitare
tourbillonnent, hallucinants de virulence. Le bonnet enfoncé sur la tête
au lever de rideau finit parmi les premiers rangs.
"Nancy, je n'ai pas oublié. C'était il n'y a pas longtemps,
mon premier concert". Après quelques notes d'un classique du Pink
Floyd d'où il a extrait une phrase clé de sa réflexion,
"we want no more education [sic]", Saez peut placer sa première
banderille. La version scénique de "Jeune et con" est plus
échevellée, plus obsédante encore que l'original. Le bras
accompagne les phrases lapidaires d'un va-et-vient nerveux. Les décibels
partent en rafales autour de ces phrases qui font mal tant elles multiplient
les arrêts images sur l'état de la planète ... "Puisque
des hommes crèvent sous les ponts et que ce monde s'en fout". La
main mouline sur la six cordes. La batterie tape dans le même registre
assourdissant. Avec les ballades, tout aussi mordantes, le son d'un orgue puis
un piano ont toujours cet accent de folie torturée. La voix traînante,
plaintive par moment ne laissent pas de répit.
Saez, soutenu par un gang de premiers couteaux, ne fait pas partie de ces poseurs
encombrant le genre. Il est à classer parmi ceux qui, à l'instant
de monter en première ligne, posent tout sur la table. A la troublante
ode à son "héroïne" fait suite une mise en coupe
réglée d'un classique de la variété, "Titanic".
Il précise dans une moue de mépris pour "Di Caprio et Céline"...
Tout est question de culture. Le chant est devenu grandiloquent et aigu jusqu'à
la répultion avec pour toile de fond ces dissonances cultivées,
avant lui, par les punks. Au rappel, "Jours étranges" avec
sa "mélodie" pleine de nuances a des allures de coup de grâce.