STANDARDS MARS-AVRIL 2000 :
Damien Saez, 22 ans, démarre en fanfare,
développant, pour ou contre son gré, une réputation insolente.
Méfaits de la presse ? Réalité ? Nous l'avons rencontré
dans les studios de Vallée FM pour une émission d'une heure, les
propos ont été sans prétention, et les deux titres joués
live, seul à la guitare, "Jeune et con" ainsi que "Fake
plastic trees", reprise de Radiohead, ont montré que Saez est en
tous cas un grand chanteur. Quelques extraits de cette rencontre sans le son.
A la première écoute de "Jeune et con", il est difficile
de ne pas penser à Noir Désir et particulièrement au thème
musical et chanté de "Un jour en France". Peux-tu donner ton
avis là-dessus et nous dire quelles sont celles que tu admets, car on
pense aussi aux Smashing Pumkins, U2 ou Jeff Buckley ?
Je ne suis pas vraiment d'accord sur le rapport qu'il peut y avoir entre "Jeune
et con" et "Un jour en France". Si l'utilisation du mot France
ne fait référence qu'à une seule chanson, c'est triste
pour le paysage français. En effet au niveau de la voix, je vois la correspondance
qu'il peut y avoir. Ce n'est pas un groupe qui m'a influencé. En rock,
j'ai écouté peu de français mais plus d'anglo-saxons dont
ceux que vous citez. Ces influences se font inconsciemment. Pour ce qui est
du français, ma culture ici est plus celle de la chanson, Brel, Brassens.
Mais les comparaisons ne me gènent plus. Tu cites des anciens du répertoire
national", tu penses qu'il n'y a pas eu de relais avec ces grands artistes
au niveau de la chanson. Je n'ai pas la prétention de dire que je connais
bien la chanson française actuelle. Mais je trouve qu'elle est triste
à mourir en général. Ce que j'écoute sur les radios
en tous cas. Après l'enregistrement de mon disque, je me suis remis du
Brassens et du Brel, et j'ai eu l'impression d'avoir quelqu'un qui me disait
"bon aller, retourne à l'école apprendre à écrire!".
Il y a une sorte de modestie qui vient naturellement, par rapport à eux,
parce qu'il y a une finesse et une émotion qui se conjuguent parfaitement.
Tu as du mal à écouter l'album qui vient de sortir ? Je ne l'écoute
plus. Je l'ai trop écouté. Les gens ne peuvent pas vraiment se
rendre compte, mais lorsque l'on est en studio, ça passe en boucle, pour
les prises de batterie, de guitare, de basse, pour le mixage. Au bout d'un moment
on n'a plus de recul.
C'est la scène qui va donner une deuxième vie à ces chansons
? Forcément. J'attends cela avec impatience, mais je veux le préparer
sérieusement, répéter longtemps, ça changera un
peu de l'album. Déjà que certaines chansons ne sont plus ce qu'elles
étaient au départ. "Rock'n roll Star" était un
titre joué sur deux accords. Les gens avec qui tu as travaillé
en studio ont adouci le truc ? Oui. Cela m'intéressait. Etant instrumentaliste,
je ne connaissais pas trop le travail des machines. Les maquettes étaient
très basiques, guitare-voix ou piano-voix. Je travaille plus à
l'électrique pour la composition, mais pour les maquettes, je repasse
à l'acoustique. Je considère qu'elles fonctionnent si elles peuvent
être jouées ainsi. L'électrique et sa puissance sont plus
pervers en raison du son, leur efficacité ne se fait pas grâce
aux accords et à l'harmonie préfère procéder ainsi
et faire le son après. Tu savais quand même au début de
l'enregistrement ce que tu aimerais entendre au final, ou est-ce que tu as laissé
faire ton entourage professionnel ? Tout s'est fait en groupe, avec Marcus Bell
et Jean-Daniel Glorioso que j'ai rencontré avant de faire le travail
de pré-production. Nous sommes partis ensemble dans l'aventure sans se
demander qui ferait quoi. Il y avait simplement les mêmes envies de recherche.
C'est ce qui fait que les morceaux se sont décomposés, qu'ils
ont été reconstruits différemment. Certains sont restés
intacts. Tous ne sont pas de moi. Comment s'est passée ton arrivée
dans le milieu musical ? Tu avais des connaissances, ou est-ce une histoire
de chance ? Non. Rien. Arrivé à Paris, j'ai rencontré des
gens, je pense qu'on a toujours de la chance quand ça marche, et jamais
quand ça marche pas. Cela fait partie des paramètres mais ce n'est
pas très clair comme concept. On peut dire que j'ai eu de la chance aussi
de pouvoir faire du piano, de pouvoir écrire et d'avoir une mère
qui m'a mis des coups de pieds au cul et qui m'a même donné envie
de me casser à 18 ans. Tout cela fait partie de la même chose.
Si je ne l'avais pas fait là, je l'aurais fait à un autre moment.
C'est une histoire de volonté. Si l'on ne croit qu'en une seule chose,
au bout d'un moment, on l'atteint. Même au niveau de la vision que je
pouvais avoir d'une maison de disques avant de me retrouver signé, rien
n'a quasiment changé. J'ai pu faire ce que je voulais, de la musique
à la pochette. C'est con, je ne peux même pas les insulter ! C'est
plein d'espoir pour ceux qui arrivent derrière. Oui, mais il faut marquer
son identité au départ. Il faut montrer que l'on est sûr
de soi. De toute façon il n'y aura pas à faire de concessions.
Quelque part les personnes n'ont pas vraiment le choix. Tu étais juriste
dans le temps ? Non. Mais tu es arrivé avec un avocat ? Ah oui ! Chacun
son métier. Le mien n'est ni de faire du marketing ni de négocier
des contrats.